Cotisations sociales ou impôt ? (2)
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Actuellement en France la Sécurité sociale est financée à 58% par les cotisations sociales, 20% par la CSG et 14% par des taxes. Au départ, elle était financée uniquement par des cotisations sociales : des prélèvements sur le salaire, une partie dûe par l’employeur (cotisation patronale) et une partie prise sur le salaire (cotisation salariée). C’était alors le plein emploi, et pour les patrons, cela évitait des hausses de salaire directes. Pour les salariés, cela représentait une part de « salaire différé », qui leur permettait de ne pas avoir besoin d’emprunter ou de s’endetter en cas de maladie ou d’invalidité, et d’avoir un revenu assuré pour la retraite. De plus, les salariés représentés par leurs syndicats étaient cogestionnaires de la sécurité sociale. Ce qui n’est plus le cas actuellement (il n’y a plus d’élections à la Sécurité sociale, son directeur est nommé par l’Etat). Mais le problème principal de ce mode de financement de la Sécurité sociale, outre la fraude des employeurs qui cherchent à ne pas payer leurs charges sociales, est le chômage qui fait diminuer l’apport des charges sociales, à la fois salariées et patronales. Et les exonérations de charges pour les employeurs, qui ne créent pas d’emploi et favorisent les emplois mal payés. Cette source de financement s’amenuise donc alors que les dépenses augmentent.
L’introduction de la CSG en 1991 constitue un autre mode de financement, qui ressemble à un impôt, mais moins égalitaire que l’impôt car proportionnel aux revenus, et non progressif comme l’impôt. Toutes les personnes imposables y participent, donc aussi les retraités et les chômeurs. Cette contribution est plus facile à recouvrer que les cotisations patronales, et devrait le devenir encore plus si les impôts sont prélevés à la source. Elle augmente régulièrement et est devenue la variable d’ajustement pour augmenter les ressources de la Sécurité sociale. Certains économistes proposent de l’augmenter du pourcentage nécessaire pour pouvoir financer la prise en charge du ticket modérateur par la Sécurité sociale, ce qui permettrait de se passer d’assurances complémentaires, beaucoup plus inégalitaires puisqu’elles font payer plus cher quand on est âgé ou malade.
Les taxes à la consommation (y compris les franchises, qui sont des taxes à la consommation de soins), on l’a dit, sont injustes car elles touchent tous les citoyens, sans proportion en fonction de leurs revenus.
L’impôt sur le revenu est la source de financement de la protection sociale dans d’autres pays, il serait peut-être plus logique que les cotisations sociales qui sont touchées par la baisse de l’emploi et les exonérations, et plus stable. Etant proportionnel aux revenus et touchant aussi d’autres biens que le travail, il semble plus apte à une redistribution des richesses. Et si sa fonction est de financer les services de l’Etat, la protection sociale en est une mission évidente. Mais la part dévolue à la protection sociale serait alors liée au budget de l’Etat, et des décisions arbitraires de suppression de tel ou tel financement sur des arguments politiques ou économiques seraient alors très faciles. On le voit avec le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) qui chaque année ne prend en compte que les éléments comptables de cette gestion, sans réflexion sur les besoins de santé.
Sans doute, comme le propose Bernard Friot, les cotisations liées au travail sont la source la plus logique de financement de la protection sociale. Car c’est une redistribution du profit lié au travail qui finance des besoins et non des marchandises : prestation de santé, éducation des enfants, retraites… C’est une « ponction sur la richesse, versée aussitôt que produite (-) qui ne génère aucun profit », un salaire socialisé. Il faudrait alors remettre en cause les exonérations de charges pour les employeurs, utiliser des moyens efficaces contre la fraude aux cotisations patronales, et obliger les entreprises à reverser une part importante (actuellement 20% seulement) de leurs bénéfices en investissements et en créations d’emplois . Reste à définir la façon de redémocratiser la gestion de la sécurité sociale, en réintroduisant les représentants des salariés, légitimes car à l’origine par leur travail du financement de la protection sociale de tous.
François Ruffin : « Partage des richesses, la question taboue » https://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/RUFFIN/15507
Michel Husson : « la baisse tendancielle de la part salariale » http://hussonet.free.fr/parvabis.pdf
Pierre Volovitch : « La santé, une zone à créer ? » Pratiques n°70, juillet 2015, pages 16-17
Bernard Friot : « La cotisation, levier d’émancipation », février 2012, le Monde diplomatique https://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/FRIOT/47384
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