La santé, un bien commun - Cordel N°28
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L’idée de « biens communs »
En Europe, l’idée de « bien commun » apparaît dans un texte de loi au début du XIIIème siècle : c’est la Charte des Libertés, promulguée (à contrecœur) par le roi anglais Jean Sans Terre en 1215, suite à une guerre civile. C’est un document très important qui propose des lois pour limiter le pouvoir du roi, en particulier la liberté de ne pas être emprisonné sans jugement (habeas corpus). Cette Charte a été déchirée dès 1227 par le roi même qui l’avait promulguée. Pourtant, elle est considérée comme une inspiration importante des textes de lois dans le monde anglo-saxon (déclaration des droits de 1689, constitution américaine de 1787). Dans la plupart des éditions, deux parties de texte sont séparées : La Grande Charte des Liberté d’une part, et La Charte des Forêts d’autre part. Celle-ci définissait les « communs » (« commons »). En anglais, ce terme a des sens très divers et il peut être traduit par « espaces communs », ou « ressources communes ». Il désigne les forêts, les bois, les champs, les pâturages, les rivières et les lacs, mais aussi les rues des villes, etc. La Charte des Forêts donnait la possibilité aux hommes libres d’utiliser les ressources offertes par ces espaces, avec le devoir de les entretenir.
Soins, santé et conditions de vie
« Les communs » de cette époque concernaient des ressources naturelles permettant de boire, manger, se loger, se chauffer, etc. Aujourd’hui, ces biens communs sont de moins en moins communs. L’accès à une alimentation saine, au logement, à l’éducation, etc. est de plus en plus menacé. Pourtant, la santé dépend d’abord des conditions de vie, et ensuite des soins.
Une question de vocabulaire : on dépense ou l’on crée de la santé ?
Pour envisager la santé comme bien commun, il faut d’abord se débarrasser des idées reçues que nous avons quand nous réfléchissons à la Sécurité sociale et au financement de la santé. Car les discours politiques et dans les medias laissent penser que seules les entreprises privées qui font du profit produisent quelque chose, et que la santé, l’éducation, la culture ne font que « coûter ». Par exemple, l’argent utilisé pour financer les soins est appelé « dépense » de santé. Par opposition à la « création de valeur » par les entreprises privées. Cela est répété un peu partout par des hommes et femmes politiques, des experts en économie, des journalistes, et cela nous fait oublier que les ressources mises commun en cotisant à la sécurité sociale permettent de produire des soins, et donc de créer de la santé. .Quand nous disons : « en France, la santé coûte X milliards d’euros », nous devrions dire : « en France, nous produisons pour X milliards d’euros de santé ». Un système de santé privé capitaliste, comme aux USA, est moins efficace qu’un système plus solidaire : alors que l’argent consacré à la santé est plus important aux Etats-Unis, les indicateurs de santé y sont moins bons qu’en France, en Angleterre ou en Allemagne.
Des choix à faire, par qui ?
L’idée des biens communs du XIIIème siècle nous montre aussi comment doivent être prises les décisions pour l’utilisation des ressources communes. Lorsque ces décisions sont laissées à un petit groupe de personnes restreint, expert ou élu, ce petit groupe devient une cible facile pour les groupes d’intérêt. On le voit aujourd’hui avec la Sécurité sociale, qui est à la fois sous l’influence du gouvernement et sous la pression de différents lobbys : industrie pharmaceutique, médecins, ambulanciers, etc. Si l’on veut prendre des décisions dans l’intérêt des citoyens qui cotisent et qui reçoivent les soins, la seule solution est de les faire participer directement à cette prise de décisions. Bien sûr, cela doit se faire dans une discussion avec les professionnels de santé et les pouvoirs publics. Les décisions à prendre sont nombreuses. Quels médicaments rembourser ? Quels doivent être les revenus des différents professionnels ? Où et comment ces professionnels doivent-ils s’installer ? Et beaucoup d’autres questions encore.
Pour toutes ces questions, les citoyens doivent pouvoir participer à la discussion et la décision. C’est la définition d’un bien commun.
Un prix Nobel pour les biens communs
La chercheuse américaine Elinor Olstrom a reçu le prix Nobel d’économie en 2009. Son travail, commencé dans les années 70, a été d’étudier comment différentes communautés dans le monde organisent l’exploitation et la gestion de ressources communes (le plus souvent des ressources naturelles). Elle a démontré que la gestion par les utilisateurs (« user-managed ») des rivières, des pâturages, des bois et des lacs était le mode de gestion le plus efficace, y compris du point du vue économique. Dans ces systèmes, la répartition de ressources est meilleure, leur exploitation coûte moins cher, elles sont mieux entretenues et restent donc disponibles pour toute la communauté. Les résultats de ses recherches ont poussé Elinor Olstrom à défendre « l’auto-organisation et de l’auto-gouvernance dans les situations de ressources communes ».
Cordel écrit par Martin Coutellier, médecin généraliste, et le Collectif outils pour le soin, partage de savoirs d’accès libre. mars 2016.www.outilsdusoin.fr Illustration : Hélène Maurel Cordel N° 28 |
cordel :petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés |
De la ZAD aux communaux
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Les terres de personne, ou les terres de chacun ?
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En annexe à ce cordel, voir également le lien à la vidéo N°42 de Datagueule
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