La maladie de Song - Cordel N°100bis
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On sait les controverses qui entourent cette maladie rare. Les Outils du soin ont voulu faire le point des perspectives nouvelles de traitement d’un mal particulièrement éprouvant.
Mais qu’est-ce que la maladie de Song ?
Il s’agit d’une malformation de l’espace de Reinke qui, affectant la couche superficielle des cordes vocales, fatigue à l’extrême le muscle cricoaryténoïde postérieur. Le malade ne peut plus s’exprimer que par trilles. D’où à la fois son épuisement, comme celui de l’entourage, contraint au port permanent de prothèses anti-acoustiques. Certes, certains professionnels du chant vocal ont pu faire un art de ce handicap – le célèbre Caruso, pour n’en citer qu’un et non des moindres –, mais ce n’est qu’une infime minorité. D’autres ont trouvé leur place auprès des Grands de ce monde, à l’image de leur illustre prédécesseur, le rossignol de l‘empereur de Chine.
Malheureusement, le nombre de potentats mélomanes a fortement décru du fait d’une démocratisation malencontreuse des sociétés modernes, tarissant une des sources d’emplois essentielles de ces malheureux chanteurs malgré eux. Les otorhinolaryngologues ont depuis longtemps déclaré forfait – on sait que l’espace de Reinke est pratiquement impossible à bien observer du fait de l’occlusion créée par cette malformation – ce qui fait que les malheureux malades encombrent les salles d’attente des généralistes. Malheureusement, tout le monde n’apprécie pas l’Opéra ; ce qui est cause de conflits aigus entre patients, conflits que doivent apaiser les malheureux généralistes, entre deux consultations.
- La maladie de Song
Des perspectives nouvelles.
Selon certains, la maladie de Song serait en relation génique avec l’un des 1236 allèles connus du gène E25 du chromosome 13. D’où les espoirs placés dans les thérapies géniques pour mettre fin au supplice de ces malades. Malheureusement, la biologie moléculaire n’a pas tenu ses promesses. En combinant la probabilité de tomber sur le bon allèle avec celle d’éviter les interférences avec un nombre aussi grand des allèles d’autres gènes susceptibles d’effets secondaires pernicieux, sans compter les aléas dus aux vecteurs, ou aux effets auto-immunes, il s’est avéré ce que tout arithméticien débutant aurait pu prédire, à savoir la probabilité infime de parvenir à un résultat acceptable.
Le point nouveau, dont le BJMHH (British Journal of Medecin, Health and Hapiness) vient de rendre compte dans sa livraison de Juillet 2016, est celui de la réussite éclatante de 28 cures analytiques échelonnées sur 25 ans, menées dans un essai randomisé, en double aveugle, essai dans lequel 25 cures-placebos, conduites par de non analystes ont clairement démontré leur inefficacité. Avec, malheureusement, pour les cures réussies, des effets secondaires négatifs pour quatre patients qui, ayant perdu leurs emplois, de chanteur d’opéra ou de « rossignol » à la Cour, se sont trouvés réduits au chômage. Quant au mécanisme de ces guérisons, il reste largement mystérieux. Le facteur compliquant en effet l’élucidation de ces mystères est l’extrême diversité des cures pratiquées. Sur 28 cures réussies, on compte en effet 3 purs freudiens, 2 lacaniens, 2 Jungiens, 3 ferenczistes, 2 winnicotiens, 2 kleiniens, 4 balintiens. Quant aux analystes restants, ils se sont farouchement opposés à cocher les cases prévues à cet effet dans les questionnaires à renseigner à l’issue des cures, prenant appui sur le secret professionnel dû aux analysants. Force est donc de constater la non reproductibilité assurée de ces succès. Le mal de Song, le trille des mal aimés ?
Les outils du soin engagent leurs lecteurs à se mettre à la recherche des rossignols humains. On dit que l’oiseau magique a su préserver l’empereur de Chine d’une mort solitaire et désespérée, lui redonnant du même coup goût à la vie. C’est tout le bien que nous leur souhaitons. En cherchant bien peut-être découvriront-ils ainsi l’oiseau rare : un analyste lui-même victime du mal de Song ?
Dernière minute
Des sources généralement bien informées ont laissé filtrer des perspectives encore plus révolutionnaires, surtout au plan de la durée, les 25 années d’analyse pouvant rebuter un tantinet les âmes mal trempées. Selon le MSA (Moniteur des Salles d’Attente) d’Août 2016, une équipe de médecins généralistes, décidée à prendre à bras le corps la nuisance des trilles émis par les malades de Song dans lesdites salles d’attente, ont eu l’idée d’y appliquer les principes du judo : aller dans le sens de ces patients, pour mieux les déséquilibrer, tout en les accompagnant dans leur chute.
Plutôt que de – vainement – réprimer les vocalises gênantes, ils ont demandé à ces patients chanteurs s’ils accepteraient de meubler les attentes en prenant en charge des cours bénévoles de chant choral au profit des autres patients. Les chanteurs Song, ravis de n’être plus l’objet de toutes les répulsions, ne se le sont pas fait dire deux fois. Avec les trilles, la paix est revenue dans les salles d’attente. Mieux, et inattendu : on a rapporté des cas de guérison, dus à l’écœurement de chanteurs Song, ultra sensibles au chanter faux de certains de leurs élèves improvisés. On attend incessamment sous peu la publication des résultats d’une enquête, menée simultanément en Seine St Denis et dans le 9ème arrondissement de Paris.
Notre photo : accompagnement d’un cours de chant choral donné par un patient atteint de la maladie de Song, dans une salle d’attente de généraliste.
Au voleur Il a volé ma voix, le grand silencieux La faute au canapé, trafiqué par Morphée Aux ressorts alanguis par les contes de fée Que je lui débitais, en me roulant au pieu Il m’a pompé la tête et juré ses grands dieux Que c’était pour mon bien qu’il sifflait la lichée Salée de mes pensées, scalpées en trophée, Exposées en Balint, pour des jeux licencieux J’étais rossignolet, me voici tout muet Bonnes gens faites gaffe et gardez vos chansons Vos arias, vos craintes, vos rires, vos pulsions Aux belles, destinées, au creux du lit douillet Au voleur, au voleur, je cours après mon trille Avec mon analyste, je l’ai perdu aux billes Poème écrit par un « trilleur » guéri (?) et offert à son analyste |
Le rossignol et l’Empereur de Chine D’après le conte d’Andersen Il était une fois un Empereur de Chine riche, tellement riche que le soleil ne se couchait jamais sur ses possessions. Il portait, en toute circonstance, une étincelante couronne de diamants, un sabre et des pantoufles d’or. Vivant au milieu de la Cour, il ignorait que loin, loin, au plus profond de son domaine chantait un rossignol qui, lui, avait de l’or dans sa voix. Mais les pauvres paysans, les pauvres pêcheurs eux, le connaissaient bien, l’écoutaient et, à leur tour, lui racontaient leurs misères. Un jour, l’Empereur reçut un livre.qui décrivait le chant d’un rossignol, nichant dans la foret de l’Empereur, et dont le chant valait ous les trésors du palais. Il me le faut, dès ce soir s’écria l’Empereur, ou je passe sur le corps de tous ces courtisans qui ne m’ont point averti d’une telle merveille. A ces mots, le Grand Chancelier se dépêcha de rechercher cette merveille. Il fit si vite que, le soir même, le rossignol chanta pour l’Empereur. Celui-ci tomba sous le charme. Petit rossignol lui dit-il, demeure chez moi, mes serviteurs te nourriront et je te donnerai une de mes pantoufles en or à porter autour du cou. Le rossignol accepta, non qu’il fût séduit par la pantoufle d’or, mais parce qu’il avait vu l’Empereur verser une larme en l’écoutant chanter. Les années passèrent, heureuses. Puis, un jour, arriva un cadeau de l’Empereur du Japon. C’était un automate : un rossignol en or, tout serti de diamants et qui chantait merveilleusement. Toute la cour s’en enticha et l’Empereur de Chine aussi. On oublia le vrai rossignol qui s’en fut donc, laissant derrière lui la pantoufle d’or. Les jours passèrent. L’Empereur tomba malade, tellement malade qu’un nouvel empereur fut pressenti, autour duquel se pressa la Cour, oubliant dans un coin du palais, l’empereur gisant sur son lit. La Mort apparut alors aux yeux de l’agonisant, s’étant emparée de sa couronne, son sabre et ses pantoufles et se mit à faire le procès des bonnes comme des mauvaises actions de son existence. Le pauvre Empereur, délaissé de tous, aurait bien voulu entendre alors le chant de son automate, mais ses serviteurs avaient jugé inutile d’en remonter le ressort pour leur maitre entré en agonie. Du fond de sa forêt, le rossignol l’entendit gémir. Il se souvint de ses larmes et accourut. Il chanta. La Mort, subjuguée, le pria de continuer. Donne-moi les pantoufles d’or en échange, lui dit-il, ce qu’elle fit. Ensuite, de la même façon, il se fit successivement rendre le sabre, puis la couronne. A la fin, il chanta les fleurs naissantes dans les cimetières au soleil levant et la Mort, prise de nostalgie, prit son envol, abandonnant l’Empereur de Chine réconforté et guéri. Il vécut désormais aux côtés de son ami le rossignol. Celui-ci lui répétait la nuit les confidences que lui faisaient le jour les pauvres gens de l’Empire, permettant ainsi à l’empereur de réparer les injustices et répandre le bien. |
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Mode opératoire
Imprimer le document joint (format pdf) en recto verso.
Plier en 4 la feuille obtenue (format A4, à l’origine)
On obtient un petit fascicule que l’on peut feuilleter et dont la page de couverture est constituée par l’image
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