Qui a peur des génériques ? - Cordel N°46
par ,
popularité : 4%

Qui a peur des génériques ?<code>
Les médicaments dits génériques ont mauvaise réputation en France. La Sécurité sociale a dépensé 154 millions d’€, en 2016, de prime pour les pharmaciens, pour les convaincre de vendre des génériques plutôt que les spécialités d’origine. Et cela, sans compter des primes du même type accordées aux médecins qui en prescrivent. Car l’enjeu financier est important : les ventes de génériques représentent 3 milliards d’€. Elles pourraient doubler, ce qui ferait plus d’un milliard d’€ d’économies supplémentaires pour la Sécu...
Qu’est-ce qu’un générique ? C’est un médicament de même composition que celle de l’original (appelé princeps) qui peut être fabriqué par un autre laboratoire lorsque le brevet du premier est dépassé (au bout de vingt ans). Il peut être à ce moment copié et commercialisé par les laboratoires génériqueurs. Alors, son prix baisse, selon des règles du pays. En France, c’est le comité interministériel le CEPS (Comité économique de produits de santé) qui fixe le prix des médicaments. Lorsqu’un générique est mis sur le marché, il est à 40% du prix de départ du médicament d’origine (princeps), et le prix de celui-ci baisse de 20%. Il y a des contrôles pour vérifier que la substitution fonctionne bien, avec les baisses de prix attendues. Mais si cela reste insuffisant (pas assez de génériques vendus), un « Tarif forfaitaire de responsabilité » est appliqué : le prix du médicament d’origine ou princeps est ramené à celui de son générique.
Des résultats décevants : malgré ces mesures, les génériques ne représentent en France que 30% en volumes des médicaments remboursables, contre 75% en Allemagne par exemple. Même constat pour les prix : Une étude de la CNAMTS en 2011 montre qu’en 2010, le prix moyen des génériques par unité de médicament type est de 15 centimes contre 12 centimes en Allemagne, 7 centimes au Royaume-Uni et 5 centimes aux Pays-Bas.
Pourquoi cet échec ?
D’abord, à cause des laboratoires : ils créent des obstacles à l’apparition des génériques. Par exemple, en commercialisant des médicaments « me-too », qui sont des produits dérivés du médicament d’origine, différents par des détails mineurs, pour prolonger artificiellement les brevets (comme si c’était un nouveau médicament). L’apparition récente des bio-similaires est aussi un exemple. Ou encore, ils peuvent organiser des campagnes de dénigrement des génériques, dont certaines ont même été sanctionnées par les tribunaux. Sans parler des visiteurs médicaux, qui font de la publicité directement auprès des médecins en ville et dans les hôpitaux.
Du côté des prescripteurs : indépendamment de l’influence des Labos, les médecins sont parfois réticents à promouvoir les génériques. Les raisons avancées sont diverses : doutes sur la qualité des excipients (enrobage du médicament), habitudes nouvelles à prendre pour prescrire en DCI (Dénomination commune internationale = prescription de la substance active et non plus par le nom de spécialité), prise en compte des habitudes acquises des patients, influence du « modèle » hospitalier, prescrivant souvent des médicaments nouveaux, encore sans génériques.
Les réticences des professionnels sont considérées comme suffisamment sérieuses pour que les pouvoirs publics en aient fait des critères d’intéressement des médecins comme des pharmaciens, pour leurs primes de performance.
Mais les pouvoirs publics participent eux-mêmes à l’échec des génériques. N’est-ce pas eux qui ont accepté les me-too, puis les bio-similaires ensuite, dont la conséquence est de retarder la vente des génériques ? Ce sont eux aussi qui ont restreint l’inscription de médicaments au répertoire des médicaments généricables, comme l’a dénoncé la Cour des comptes. Et ce sont eux qui, sous prétexte de préserver l’emploi local, refusent de mettre en œuvre une politique de prix plus bas des médicaments, au profit des Labos et au détriment de la Sécurité sociale qui les rembourse. Les patients hollandais, allemands, espagnols sont-ils moins bien soignés parce que leurs autorités sanitaires ont fait des appels d’offres aux génériqueurs ? Et l’emploi chez les laboratoires en France est-il mieux préservé quand l’on voit SANOFI, malgré ces cadeaux, s’apprêter à liquider son activité de génériqueur, au grand dam de ses syndicats ?
Citations et point de droit.
|
Cordel écrit par Martine Lalande et Lucien Farhi, Collectif Outils du soin, partage de savoirs d’accès libre. Avril 2017 www.outilsdusoin.fr. cordel N°46 | cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés |
La substitution d’un générique à la spécialité de référence peut-elle être effectuée par le pharmacien sans précautions particulières ? Non. Le pharmacien doit proposer le produit générique mais il existe des cas dans où, même si la substitution est possible, elle doit s’accompagner de précautions particulières à prendre par le pharmacien : Présence d’un excipient à « effet notoire » : Quand c’est le cas, il est signalé au Répertoire des génériques. Médicaments comportant une mise en garde dans le répertoire o lorsqu’un traitement est difficile à équilibrer o lorsque la différence entre la dose thérapeutique et la dose toxique est faible o Dans le cas de certaines maladies Médicaments à marge thérapeutique étroite Pour ces médicaments, de faibles différences de dose ou de concentration entrainent un risque d’efficacité différente ou un problème de sécurité. |
L’avis de la médecin généraliste : Nombreux sont les patient.es qui demandent à écrire « non substituable » sur l’ordonnance afin qu’en pharmacie on leur donne le médicament d’origine. Parce qu’ils ont l’habitude d’un médicament avec une forme, une couleur, une boite, un goût qui leur convient, parce que les génériques se ressemblent et qu’ils ont peur de se tromper, parce qu’on leur donne à chaque fois un générique différent, avec un enrobage et une taille différents, ou parce qu’ils ont l’expérience d’un générique qui ne leur a pas réussi… Nous essayons de les convaincre que ce n’est pas un vrai problème mais le risque de confusion existe (prendre 6 fois par jour un antihypertenseur car il a la même boite que le paracetamol… ?) et on a vu des effets indésirables avec des génériques alors que la personne supportait bien le médicament. Il vaudrait mieux qu’il y ait une seule spécialité par médicament, que l’on prescrirait avec son nom de molécule (la DCI) et qui serait facturée au prix de revient de sa fabrication. Et que seuls soient commercialisés les médicaments réellement utiles et au moindre risque pour les patient.es. |
La lectrice ou le lecteur intéressés pourront se reporter aux débats sur le sujet publiés dans les commentaires ci-dessous et, bien entendu, y ajouter les leurs, s’ills le souhaitent.
Cliquer sur la vignette ci-contre pour accéder au pdf |
Imprimer le document joint (format pdf) en recto verso
Plier en 4 la feuille obtenue (format A4, à l’origine)
On obtient un petit fascicule que l’on peut feuilleter et dont la page de couverture est constituée par l’image
Avertissement aux utilisateurs de Firefox
Évitez d’imprimer le fichier pdf du cordel directement sur sa version Firefox (obtenue par clic sur sa vignette), pour cause de police défectueuse de ce navigateur. Choisissez de télécharger (ou enregistrer) cette version sur votre disque. Ouvrez-la alors avec votre lecteur de pdf habituel (Adobe, généralement) et imprimez-la.
Commentaires