La répétition, comment en sortir ? Cordel N°49
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**La double peine de la compulsion de répétition
Une mise en évidence de la psychanalyse
Freud a donné un nom à ce que nous constatons souvent, que nous sommes amenés à répéter les mêmes scénarios, surtout ceux qui nous mettent en difficulté. Par exemple, une femme qui divorce d’un mari violent peut retrouver un autre compagnon violent. Cette répétition n’est pas obligée, mais elle est fréquente. Ce phénomène fait partie des découvertes de Freud : nous avons un inconscient qui nous pousse à agir, à ressentir en dehors de notre volonté et de nos choix conscients : « Nous ne sommes pas maîtres dans notre maison. » Plusieurs hypothèses actuelles tentent d’expliquer ce phénomène.
Le rôle de l’impact des sensations d’autrefois
Ce qui nous amène à répéter, c’est l’impact dans le corps, dans la mémoire corporelle de sensations d’autrefois. Quand les sensations du bébé ou de l’enfant auront été satisfaisantes, nous serons enclins à chercher à retrouver des parfums, des odeurs, des jeux, des types d’interactions qui nous avaient rendus heureux. Mais quand les sensations d’autrefois ont été traumatiques, soit du côté de la détresse du vide, de la négligence, soit du côté de la sursaturation sensorielle de l’abus, de la terreur, les choses se gèlent, se figent dans la mémoire. Face à une situation nouvelle, le corps se souvient du climat d’autrefois et réagit comme si la situation d’aujourd’hui ressemblait à celle d ‘autrefois.
Le petit théâtre de l’enfance et la recherche de l’Happy End
Nous devenons alors les metteurs en scène de scénarios où nous convions des acteurs qui ressembleraient à ceux de notre enfance. Mais là, nous sommes dans l’espoir — ou dans l’illusion – que cette fois-ci, cela va bien se passer, que l’autre va nous comprendre, reconnaitre ses torts, être fiable, et qu’il ne nous abandonnera pas, etc. On prend les mêmes, on recommence, dans l’idée de l’Happy End attendue, autrefois et encore aujourd’hui.
Le poids du secret
Une autre hypothèse porte sur le transgénérationnel. Nicolas Abraham et Maria Torok, notamment, ont mis en évidence ce qu’ils ont appelé les phénomènes de crypte et de fantôme. Quand quelqu’un a été pris dans un « pacte secret » avec un proche qui aurait commis quelque chose d’inavouable, quand il s’est retrouvé seul, sans témoin pour nommer cet inavouable, il peut être amené à cacher ce secret dans une « crypte », voire à laisser cette personne devenir un « fantôme » qui ventriloque à sa place, et commet des actes incompréhensibles qui mettent en scène à son insu le « crime » inavouable qu’il a fallu couvrir.
Comment sortir de la répétition ? Comment aider à en sortir ? L’importance du témoin
Ce qu’il y a de terrible, c’est l’injustice de la double peine : ceux qui ont vécu des choses difficiles enfants ont plus de mal à inventer des scénarios de sécurité, de respect, de liberté, de curiosité, d’attachement, car tout cela, ils ne l’ont pas connu autrefois.
Pour en sortir, il faut un témoin qui ait la clairvoyance et la bienveillance de voir cette douleur et cette injustice. Certes ce peut être un proche, être quelqu’un de la famille, nounou, professeur.e, ami.e, médecin, voire amoureux.se. Mais cela n’arrive pas toujours, loin de là, d’autant plus que les scénarios sont compliqués.
Les rôles du témoin, du thérapeute
Alors, il faut trouver un psychothérapeute, un psychanalyste qui sache aider celui qui répète, être le témoin, et s’engager dans une relation différente de celle d’autrefois. Le rôle du thérapeute est d’agir pour que l’analysant éprouve enfin dans le transfert d’autres expériences émotionnelles, cette fois-ci sans abandon, ni emprise, ni représailles.
Du côté des sensations, des affects occultés de la mémoire corporelle qui réapparaissent sans qu’on sache pourquoi, il s’agit de « se laisser affecter » (P. Delaunay), entrer en contact « avec le vécu du patient », « dire les mots justes » (G. Benedetti), « reconnaître le trauma » ( S. Ferenczi), « prendre appui sur son ressenti » (H. Searles).
Du côté de la recherche de l’Happy End, il s’agit de comprendre « qui fait quoi à qui ? », de « bien vouloir endosser les rôles d’autrefois »(P. Delaunay, Ph. Réfabert). Il s’agit aussi de « miser sur la créativité de l’analysant » (D. Winnicott), de trouver « des symboles en commun »(G. Benedetti), de prendre appui sur « la poussée de liberté »(R. Zygouris).
Ôté du poids des secrets, il s’agit de faire « un travail d’historien » (P. Aulagnier), « être le témoin »(Ph. Réfabert), « dévoiler les meurtres d’âme occultés » (Ph. Réfabert), nommer « les pactes secrets »(N. Abraham et M. Torok), être le « double au combat » (F. Davoine et J-M. Gaudillière).
« Il est difficile d’avoir de la lucidité sur ce qu’on écrit. La répétition vient peut-être du fait que je suis travaillé par une période de ma vie qui revient sans arrêt dans ma tête. » Patrick Modiano « Et entre ces deux hasards — naître et mourir — indépendants tous deux à notre volonté, combien d’autres choses encore que nous n’aurions pas voulues et auxquelles nous nous résignons à contre-cœur ! » Luigi Pirandello « De même que nous lavons notre corps, nous devrions laver notre destin, changer de vie, comme nous changeons de linge » Fernando Pessoa |
Cordel écrit par Elisabeth Maurel-Arrighi, psychanalyste, Collectif Outils du soin, partage de savoirs d’accès libre. Octobre 2017, Cordel n°49 www.outilsdusoin.fr En lien avec les vidéosPsychanalyse et marionnettes sur la répétition épisodes 15 et 16, ainsi que les épisodes sur le transfert épisodes12,13 et 14, élaborés par Elisabeth Maurel-Arrighi avec Rochelle Monnier-Moricet voir sur Youtube Psychanalyse et marionnettes ou sur le site |
cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés |
Qui fait quoi à qui ? La question du petit théâtre, Le ressort du transfert A partir de l’hypothèse d’un petit théâtre à l’intérieur de chacun, où les personnages de notre enfance continuent d’exister et « de réclamer mise en scène, écriture et jeu » selon les mots de Philippe Réfabert, la psychanalyse fait le pari que se mettre à l’écoute du rôle que l’analysant propose à l’analyste de jouer devient un moyen d’identifier des rôles cachés que l’enfant jouait à son insu. Et continue de jouer adulte. En éprouvant ensemble, patient et thérapeute, les émotions de haine, de peur, d’impuissance etc. qui n’avaient pas droit de cité, les deux protagonistes de la thérapie vont pouvoir se connecter avec les drames de l’enfant autrefois. C’est la condition pour que la personne puisse inventer d’autres scénarios. |
Les mille et une manières de répéter Quelqu’un qui aura eu des parents froids et inaccessibles pourra ressentir une honte de ne pas avoir réussi à les apprivoiser. Il pourra développer un manque de confiance en lui qui va répétitivement le gêner dans sa vie amoureuse, familiale, sociale, professionnelle. Il pourra attendre une reconnaissance sans avoir les moyens d’être dans une interaction tranquille. Quelqu’un qui aura subi la manipulation de parents maniant l’idolâtrie et l’abus, lui faisant croire qu’il ne pourrait rien leur refuser, pourra rechercher les climats en montagnes russes, où l’effondrement succède à l’exaltation. Quelqu’un qui aura subi la peur, ou la terreur devant des colères des ou d’un parent(s) et aura dû ravaler sa propre colère aura du mal à réprimer des mouvements de violence, etc. |
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