Un enfant à tout prix, un enfant à quel prix ? Assistance Médicale à la Procréation - Cordel n°51
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Que penser, que faire, que dire, que conseiller quand un enfant tarde à venir ?
Ce cordel 51 « L’enfant à tout prix , à quel prix ? l’Assistance Médicale à la Procreation » fait suite au cordel 50 « Devenir ou non parent. La place de l’enfant » Il rassemble les interrogations de divers soignant·es et citoyen·nes. Il souhaite aider la réflexion et les choix des uns et des autres, et nourrir un debat que l’on pourra poursuivre avec les commentaires sur le site.
L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP)
L’assistance médicale à la procréation peut être proposée aux femmes et aux couples qui ne parviennent pas à concevoir un enfant, la femme n’étant pas enceinte malgré des rapports sexuels réguliers pendant au moins un an (définition actuelle de l’infertilité). La capacité biologique à concevoir est différente pour chacun.e et diminue chez la femme à partir de 35 ans, chez l’homme aussi mais plus lentement. L’infertilité concerne aussi bien l’homme que la femme. Ses causes sont multiples. Elles peuvent être liées dans 30% des cas à un problème chez la femme, dans 30% à un problème chez l’homme, dans 30% à un problème concernant le couple et dans 10% à une cause inconnue. Les deux partenaires doivent être associés à la recherche des causes et à leur traitement.
Les femmes homosexuelles ou les femmes seules peuvent aussi avoir besoin d’AMP.
**Les Moyens techniques d’AMP et leurs implications
Pour les couples ou les femmes qui n’arrivent pas à procréer et souhaitent être aidé.es par la médecine, différentes techniques sont proposées :
La stimulation ovarienne vise, par un traitement hormonal, soit à rétablir une ovulation soit à permettre que les ovules arrivent à maturation. Elle sert aussi à préparer la muqueuse de l’utérus qui va recevoir l’embryon. Il faut alors avoir des rapports sexuels à une date précise (autour du 12eme jour après les règles pour les femmes qui ont des cycles de 28 jours).
L’insémination avec le sperme du conjoint (IAC) permet de préparer le sperme en laboratoire pour le rendre plus performant puis à l’injecter dans l’utérus (comme une pose de stérilet). Cette insémination s’accompagne souvent d’une stimulation ovarienne pour être sûr de la date de l’ovulation (repérée par une échographie).
La fécondation in vitro (FIV) consiste à créer un embryon en mettant en contact des spermatozoïdes et un ovocyte (ou ovule), en laboratoire. L‘injection intra cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) est l’injection d’un seul spermatozoïde dans un ovocyte. L’embryon qui a commencé à se former est ensuite déposé dans l’utérus (comme une insémination) à un stade très précoce.
Si l’homme ne produit pas de spermatozoïdes, on peut faire une insémination avec les sperme d’un donneur (IAD) qui est anonyme. Quand la femme ne peut plus ovuler (en cas de ménopause précoce par exemple), elle peut recevoir un ovocyte d’une donneuse (don d’ovocyte) anonyme. Les ovocytes qui ont été prélevés chez une autre femme sont mis en contact avec les spermatozoïdes puis l’embryon est réimplanté dans l’utérus.
En France, le don de sperme et le don d’ovocyte se font par une banque publique de donneurs.ses anonymes.
Effets secondaires. Les stimulations ovariennes exposent à des grossesses multiples, parfois douleurs abdominales intenses, et aussi fatigue, prise de poids, kystes ovariens , et augmentent le risque de phlébite. Cela nécessite une surveillance médicale importante, y compris à long terme comme pour tout traitement hormonal. Par ailleurs, comme toute hormone de synthèse, les traitements hormonaux de l’AMP sont des perturbateurs endocriniens. Il est pour l’instant impossible de savoir si cela peut avoir des effets pour les enfants qui y auront été exposé·e·s pendant la grossesse. Il nous faudra rester vigilant·e·s quant au suivi des études concernant ces effets.
**Un parcours du combattant
Ces techniques nécessitent un investissement important en temps, en disponibilité pour les bilans, rendez-vous, prises de sang, échographies qui se répètent tous les deux jours. Elles peuvent être aussi éprouvantes physiquement, Il faut y être préparé.e. D’autant que le succès n’est pas toujours au rendez-vous. En cas d’échec, la technique peut être reproduite (6 inséminations et 4 FIV). Le couple peut être aidé sur le plan psychologique pendant tout le processus.
**Au niveau administratif et légal
En France, la loi n’autorisait jusqu’ici le recours à ces techniques que chez les couples hétérosexuels. Mais en juin 2017, le Comité d’éthique a rendu un arrêt favorable à l’extension de ces techniques aux couples de femmes. Les examens et les traitements sont remboursés à 100% par demande d’entente préalable (mais pas quand on a l’AME comme couverture sociale…)
Au delà de 42 ans révolus, les AMP ne sont plus pris en charge par le système de santé car le taux de succès à cet âge est jugé trop faible. Mais d’autres pays les pratiquent au-delà (Espagne, Belgique…)
Toute grossesse pose des questions aux parents
Et les techniques d’assistance médicale à la procréation peuvent agir comme une lunette grossissante mettant en relief ces questions :
l’effet de surprise de l’arrivée d’un nouveau-né, son accueil n’est pas toujours facile. Cela implique de pouvoir renoncer à l’enfant idéal fantasmé et d’aimer celui-ci avec (et même pour) ses singularités et ses imperfections.
l’investissement de l’idée d’enfant peut se déplacer sur les techniques permettant d’assouvir cette idée, un peu comme ce qu’on observe souvent chez des enfants qui ont été porteurs de maladies graves (ou qui ont fortement inquiété les parents et l’entourage). Les adultes risquent de se trouver poussés à croire que s’occuper de la maladie est la même chose que s’occuper de l’enfant. Comment faire pour que le temps passé et l’énergie déployée à ces traitements lourds n’empêchent pas la rêverie utile autour de l’enfant à venir ?
enfin pour certains couples où il n’y a pas véritablement de place pour un enfant, l’idée d’avoir un enfant relève plutôt d’un conformisme social, ce qui n’est pas spécifique à la procréation assistée.
Désir de grossesse et désir d’enfant
L’AMP, c’est un enfant qui ne vient pas alors que le désir d’enfant est là, une espérance folle qui ne se réalise pas, une médecine de pointe mais aussi des échecs. Un investissement en temps et en énergie, car cette aventure nécessite de pesantes contraintes.
Ces projets parentaux pas comme les autres ressemblent souvent à des parcours sans fin s’accompagnant de rêves et de désillusions, d’espoirs et déceptions, d’une grande solitude, de souffrances psychiques.
Dans tous les services d’AMP, des psychologues ou psychanalystes sont là pour accompagner les couples ou personnes qui le souhaitent. Les désirs d’enfant, de grossesse ou de filiation peuvent en effet réveiller des traumatismes enfouis.
Tout au long de la démarche de l’AMP, dans la « cuisine de l’inconscient », avec toutes les souffrances liées à l’infertilité, il se fabrique de la parentalité : un enfant peut alors prendre place dans l’histoire familiale.
Si le processus de la PMA ne fonctionne pas, le renoncement à l’enfant pourra alors ouvrir sur un autre projet.
**Citations « J’avais très envie d’avoir un enfant. Pendant longtemps, je ne suis pas arrivée à mener mes grossesses à terme. Et je voyais toutes mes amies avec des enfants… » « Je pensais beaucoup à la mort. Et je sais que si j’ai eu un enfant , c’est aussi parce que je voulais m’assurer une certaine immortalité. » « Je voulais une petit fille pour pouvoir l’élever autrement que je l’avais été. » « Je craignais de vieillir sans rien faire de ma vie » « Pendant que mon mari travaillait, je me sentais très seule à la maison. » « J’ai eu un enfant alors que je n’y étais pas du tout préparée. D’abord, je ne savais pas que c’était un véritable travail pour la bonne raison qu’on ne me l’avait jamais dit et que je n’avais pas vécu auparavant avec des enfants. Je n’aurais jamais imaginé les changements que cela a entrainé dans ma vie » Témoignages de femmes dans un ouvrage américain : Notre Corps Nous-même , écrit en 1971 par le collectif de Boston et adapté en 1977 par un collectif de femmes en France |
![]() Illustration : Hélène Maurel |
Cordel écrit par Nicole Bizos, psychanalyste, Chandra Covindas- samy, psychanalyste, Danielle Hassoun, gynécologue, Tù-Tam Nguyen, bibliothécaire, et les participants aux rencontres–cordel de Janvier, juin et octobre 2017 Cordel n° 51 www.outilsdusoin.fr |
Cordel : Petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés |
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On obtient un petit fascicule que l’on peut feuilleter et dont la page de couverture est constituée par l’image
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