Vivre avec une personne dépendante de l’alcool - Cordel N°58

jeudi 15 novembre 2018
par  Martin Coutellier, Outils du soin
popularité : 5%

Vivre avec une personne dépendante de l’alcool

Une situation complexe
Aujourd’hui, la dépendance à l’alcool est considérée comme une maladie. Bien sûr, il s’agit d’une maladie particulière, notamment parce que les épisodes répétés de consommations d’alcool peuvent retentir de façon importante sur les proches, en particulier sur son ou sa conjoint.e et ses enfants.
Lors des moments d’alcoolisation, il peut y avoir des problèmes de violences physiques ou verbales qui nécessitent des mesures parfois urgentes de mise à l’abri.
Même, lorsqu’il n’y a pas de violence, la situation est souvent complexe. On se retrouve avec des sentiments et des désirs contradictoires : aider une personne aimée mais aussi s’en protéger. A la fois inquiet.e et en empathie vis-à-vis de ce proche qui ne va pas bien, qu’on aime et qu’on veut aider et à la fois, en colère car il ou elle, nous fait du mal, nous met dans de mauvaises situations, et ne parvient pas à utiliser l’aide qu’on veut lui apporter. Cela peut générer une sensation d’impuissance pour soi et pour l’autre, dont il n’est pas facile de sortir. Pour les proches de malades alcooliques, ces contradictions sont fréquentes, mais difficiles à vivre. Elles peuvent l’être d’autant plus que l’on a déjà connu des situations semblables, notamment dans l’enfance, vis-à-vis d’un parent malheureux, voire maltraitant qu’on aimait, qu’on craignait, qu’on espérait aider, mais qui avait du mal à reconnaître nos envies de l’aider. Les enfants ont envie de « sauver » leurs parents mais ce n’est pas leur rôle.
Dans ces situations, on adopte parfois des stratégies de contrôle (cacher les bouteilles, vérifier l’haleine... qui compliquent encore la relation avec la personne alcoolique. A l’inverse, le besoin de consommer de l’alcool peut sembler tellement fort qu’on se retrouve parfois, à aider une personne alcoolique qu’on aime, à s’en procurer. Se concentrer sur la consommation d’alcool lorsque l’on veut aider un ou une proche ne s’avère pas utile à l’usage et perturbe la relation.

Le problème des alcooliques n’est pas l‘alcool

Cela peut sembler paradoxal, mais l’idée que la consommation d’alcool n’est pas le problème principal,
peut se révéler très utile. En effet, dans l’immense majorité des cas, une personne développe une dépendance à l’alcool parce que ce produit l’aide temporairement à vivre mieux avec elle-même, et à vivre avec les autres. Par ses effets anesthésiants, l’alcool supprime ou diminue les émotions et sensations désagréables liées à ses difficultés, mais sur le fond, ne permet pas de les résoudre. Par exemple une personne très timide aura plus de facilité à échanger avec les autres quand elle a bu, mais cela ne l’aide pas à devenir plus à l’aise dans ses relations en général. De plus, l’utilisation régulière d’alcool et à fortes doses, peut bien sûr avoir énormément de conséquences (santé, relations avec les ami.e.s et la famille, travail, finances, etc.) qui peuvent fonctionner en cercles vicieux.
Pour aider une personne dépendante de l’alcool, il est utile de prendre en compte ses problèmes « de fond » et de voir que l’alcool ne donne qu’un temps l’illusion de les régler. Ces difficultés à vivre avec soi-même, et à être avec les autres, sont en général liées à des événements de la vie passée, parfois de l’enfance. Il y a souvent besoin de temps, et parfois d’une aide extérieure, pour que la personne puisse surmonter tout cela et se passer d’alcool.

Ne pas rester seul.e et chercher des allié.es.
La question est alors de pouvoir aider à enclencher un changement chez la personne malade, tout en la protégeant de situation où elle se met elle-même en danger ainsi que d’éventuelles violences vis-à-vis de son entourage. Pour faire face à ce défi, il est important de chercher une aide extérieure, auprès de parent.e.s, d’ami.e.s, d’associations et/ou de soignant.e.s. En effet c’est l’un des conseils le plus utile que de tout mettre en œuvre pour ne pas rester seul.e et chercher des allié.e.s sur qui s’appuyer.
Initier ce changement est souvent très difficile, voire impossible pour les proches parce qu’on a cette position particulière, cette proximité, cette intimité. La personne alcoolique, qu’on cherche à aider, peut être inaccessible à certaines discussions, à certains conseils. Les engagements sincères mais non tenus et les dénis peuvent être décourageants. Il est donc utile d’aider un.e proche alcoolique à rencontrer d’autres ressources pour amorcer un changement. Des associations d’ancien buveurs proposent une aide inconditionnelle avec des réunions régulières. Certain.e.s soignant.e.s peuvent être sollicité.e.s : médecins généralistes, médecins alcoologues, psychiatres, psychologues, infirmier.es, assistant.es social.es, éducateur.trice.s etc. Certain.e.s de ces professionnel.le.s travaillent dans les centres d’alcoologie appelés CSAPA, où les consultations sont gratuites. Les personnes dépendantes de l’alcool refusent parfois d’être soignées ou de rencontrer des associations d’anciens buveurs, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’en ont pas besoin ; elles peuvent avoir besoin de temps pour voir l’aide que cela peut leur apporter. En attendant, pour continuer à y croire efficacement, les proches ont le droit de se faire aider pour eux/elles-mêmes.

Crier dans le désert
Nous sommes tellement nombreux à crier dans le désert
que le désert s’est peuplé de nos voix
Dunes noires que le vent modèle
malaxe et rejette à grande furie
Nous faisons tant de bruit
que nos ondes s’entremêlent
s’enficellent et nous saucissonnent d’ennui.
Colette Fournier

Jolie bouteille
Jolie bouteille, sacrée bouteille
Veux-tu me laisser tranquille
Je veux te quitter, je veux m’en aller
Je veux recommencer ma vie.
Graeme Allwright

Un cours sur l’alcool
« Vous ne buvez pas, je vous crois car vous me le dites
Mais pour votre santé, buvez encore moins ! »
Bernard Rueff

Cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accroché à une corde à linge et vendus dans les marchés.

Cordel N°58, septembre 2018, écrit par le Collectif Outils du soin avec l’aide de Martin Coutellier, médecin généraliste addictologue, www.outilsdusoin.fr

Qu’est-ce que l’alcoolisme ?


On se demande parfois si un de nos proches ou nous-mêmes sommes alcooliques. Au sens médical du terme, être dépendant à l’alcool, c’est le fait de ne pas pouvoir s’abstenir de boire, même lorsque l’alcool nous cause des problèmes au travail ou dans la famille, des problèmes financiers ou des soucis de santé ; même lorsqu’on a pris la décision de boire moins ou d’arrêter.
La dépendance, c’est la perte de liberté par rapport à l’alcool. Même s’il n’y a pas de dépendance, certaines consommations sont plus à risque pour la santé :

  • Consommation importante avec risque de coma éthylique,
  • Mélange avec d’autres drogues.



Quels dangers pour la santé ?
C’est normal de s’inquiéter des conséquences d’une consommation importante et régulière d’alcool. Car l’alcool touche non seulement le foie mais aussi d’autres organes, notamment les nerfs et peut provoquer des troubles de la mémoire, des difficultés à s’orienter, des douleurs de jambe avec des troubles de la marche… en particulier lorsque la personne ne mange pas, ou très peu. Pour les personnes qui en boivent de grandes quantités, l’arrêt brutal de l’alcool peut entraîner une crise de délire (« delirium tremens ») qui met la vie en danger.
Les gens qui boivent beaucoup d’alcool peuvent aussi parfois fumer ce qui crée des problèmes de santé et peut aussi être un facteur de rechute : le fait d’allumer une cigarette dans certaines circonstances peut déclencher une forte envie d’alcool. Les arrêts combinés, qui étaient auparavant considérés comme plus difficiles, obtiennent souvent de bons résultats.

Où s’adresser ?


Les associations d’anciens buveurs organisent des réunions dans différentes villes et parfois se déplacent à domicile. Certaines proposent aussi des espaces pour les proches. Pour connaître les lieux et horaires des rendez-vous, l’idéal est de voir sur leur site ou de les appeler :

- Alcooliques anonymes : 09.69.39.40.20 ;
www.alcooliques-anonymes.fr

- Narcotiques anonymes : 01.43.72.12.72 ; www.narcotiquesanonymes.org

- Vie Libre : www.vielibre.org

- Croix Bleue : www.croixbleue.fr

- Al-anon (pour l’entourage) et Alateen (pour les jeunes) : http://al-anon-alateen.fr/
Les Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) sont des lieux de consultation où rencontrer des soignant.e.s (médecin, infirmier.e, psychologue) mais aussi d’autres professionnel.le.s (éducateur.trice, assistant.e social.e, etc.) Ils accueillent les patient.es ou l’entourage. Ils sont présents dans la plupart des villes et peuvent également proposer des groupes de parole et des ateliers (peinture, écriture...)
Les centres de cure proposent des hospitalisations pour couper du contexte habituel et permettre de travailler à un arrêt prolongé d’alcool. Ils impliquent, eux, un engagement de la personne à l’arrêt de l’alcool.

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Commentaires

vendredi 21 décembre 2018 à 19h47

(Autour de la) Magie liquide d’une potion !

Avec le mot « Alcoolisme » on nous vend tous ces ismes, qui nous font rêver, nous sentir grands et forts depuis la fée verte des impressionnistes jusqu’au coquettelle des îles caraïbes et depuis la bière des pharaons jusqu’à ce nom venu des arabes qui utilisèrent l’alambic pour produire le khôl, et plus tard le vin.. On nous vend les mirages, les virages, et des Rois mages, sous forme de vapeurs d’éthanol, de butan-2-ol, ou d’acide 3-hydroxypropanoïque : tous les « hics » des alcooliques possibles.. sont à notre portée, on distingue même : Les alcools primaires, les alcools secondaires, et les alcools tertiaires, pour les suivants suivez la flèche vers les fond du verre.. Comme on dit : on boit de l’alcool pour faire la fête (anniversaire, mariage, baptême, réussite, etc..) ; beaucoup d’autres boivent du vin à table à chaque repas. La consommation modérée d’alcool procure du plaisir, une sensation de bien-être, certaines barrières de la timidité tombent vite ou pas… c’est selon la dose ou l’exotisme du mélange.. D’autres personnes consomment parce qu’elles se sentent mal dans leur peau, ou qu’elles ont des ennuis, ou « envie d’oublier » comme on dit, ou pour apaiser leurs malheurs ou leurs souffrances. Mais, en avalant de l’alcool comme un médicament, l’habitude s’installe très vite et la personne n’arrive plus à s’en passer, elle devient dépendante et donc malade à nouveau… L’alcool agit sur le cerveau, modifie conscience, perceptions, ressenti et tous les comportements. A faible dose, il procure cette sensation de détente si agréable, d’euphorie si tendre parfois, voire d’excitation. Il désinhibe, aide à s’affranchir de sa timidité, libère la parole et contribue à lâcher-prise, les réflexes commencent à diminuer. A fortes doses, l’ivresse produit un ensemble incontrôlable, du corps et de l’esprit, ils deviennent vite incontrôlés. Et qui se traduit par une mauvaise coordination des mouvements, une élocution troublée, une diminution des réflexes et de la vigilance, un état de somnolence, ou pas, etc. Cette consommation peut entraîner des pertes de mémoire allant du simple l’oubli au trou noir jusqu’au coma.. À encore plus fortes doses, le coma devient urgence médicale qui faute de soins peut entrainer la mort… Au delà de ces effets immédiats, ou extrêmes, le pire c’est cette consommation par habitude... Avec ces doses bues petit à petit c’est tout un monde qui se construit et tout un autre qui se délite, plus un troisième qui se met en scène de lui-même : le manque suivi de très près par ses armes de destruction massives que sont la dépendance, l’angoisse et le mensonge… Voilà pour le dessin vu de loin, à ce tableau manque la vue de près et (son) l’aspect liquide de son pouvoir, ainsi que l’aspect magique de la potion… on dit qu’elle rend intelligent, habile, fort, capable de tout... on dit qu’elle transforme et améliore la réalité, lui donne tous les aspects qu’on veut bien lui attribuer : beauté amour tendresse sont si facilement de la partie.. Sauf que le lendemain, c’est un autre jour qu’il va falloir dompter à son nouveau, qu’il va falloir tordr1e, sans vergogne, et vite fait de « rallumer les braises » comme on dit ? Jour après jour on les allume de plus en plus tôt... Il faut bien dompter l’angoisse, la peur grâce à la magie de ce « liquide des dieux »...
© jean bescós 2
Cette magie—notre « fée »—existe bien, on la ressent quand on doit avoir un rendez-vous important, là il faut son aide, et tellement son aide, que l’on ne s’en rend plus compte qu’assez vite on finit par faire n’importe quoi même par déraper, au départ ce sont juste de petits gestes mal gérés, sans trop de gravité, jusqu’au jour ou le dégât devient plus grave.. la fée, notre déesse devient vite démon, ce démon qui casse tout, qui démolit l’esprit.. Ce liquide magique devient vite ce que l’on cache, par honte au début puis par mépris de soi, et enfin par peur de ne pas retrouver la source de nos besoins. Vite s’impose le vrai calcul : quelle est la potion la moins chère, la plus facile à cacher, qui fait le plus vite effet et qui exhale le moins de relents identifiables ? Tout se résume à ça.. Comment trouver plus de paradis avec moins d’argent, et de désagréments... A télé, on nous montre ces artistes qui soi-disant sont géniaux grâce au whisky ou au vin blanc, ou à tous ces produits qui finissent par couter cher… Mais pour le prolo de la bibine que boit-il ? Quelle est sa fée du logis ? C’est tout ce qui ne coûte rien, il ira jusqu’à avaler tout ce qu’il trouve ça va de l’alcool pur à 60° ou même à 90° jusqu’à l’éther ou du parfum bon marché… On est loin du mondain et de ses boissons coté chics ! Là c’est boissons coté chocs ! C’est l’être devenu démon… Et adieu la fée merveilleuse… sauf pour le buveur, qui vient de franchir le cap, pour lui qu’importe le liquide la seule chose qui compte c’est l’ivresse, que ce soit celle-ci ou celle-là, ou telle autre… qu’importe l’isme, le hic, et le reste… juste compte le rêve de ces instants passés avec la fée, et à chacun sa fée, comme il l’entend, comme il la rêve, comme il la voit… Juste la personne tapie au fond de soi est capable de lutter contre l’homme devenu démon, il devient cet « homme à retrouver », celui qu’il faut faire ressurgir des fibres de soi-même, de chaque fibre d’où il faut chasser le liquide méphitique qui empoisonne le corps. Cet « homme à retrouver » peut renaître, il peut toujours renaître, le foie, lui, se régénère très vite, s’il on n’a pas franchi de de point de non-retour… « Le corps est une merveilleuse machine », dit-on, encore faut-il lui donner de quoi se nourrir convenablement... C’est le jour où l’on se rend compte, de l’inutilité du pouvoir magique de ce breuvage que l’on peut enfin s’en passer… Un jour… deux jours et plus… Après ce n’est qu’une question de vouloir dépasser la peur, la honte, et surtout de savoir et comprendre d’où vient l’angoisse qui nous ronge... mais comment faire, cela paraît si facile à dire, si difficile à comprendre. Si hermétique à disséquer, On se dit « avec lui » (mon gentil démon) tout est si simple, sans lui tout est si compliqué, en réalité il nous fait oublier le plus important : cette force au fond de soi, cette intelligence que l’alcool à haute dose, embrume, obscurcit, en détruit force et sagacité... Heureusement, un jour il devient possible de se séparer de « lui » de cet « autre soi » de celui que l’on devient quand notre fée devient démon, remplace entièrement notre corps… notre monde… Un jour on trouve les armes, ou plutôt l’arme, la seule possible, la seule que l’on possède et réside (demeure) au fin fond de soi, cette arme c’est ce que l’on est, c’est se regarder en face, c’est se rendre compte de quoi l’on se compose,

Pour connaître et comprendre l’avenir, il faut regarder derrière soi… et surtout au fin fond de soi… dit le proverbe...

Jean Bescos

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