Devenir parents d’enfants entendants pour des parents sourds ou d’enfants sourds pour des parents entendants - Cordel N°59
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Les émotions ressenties à l’arrivée d’un enfant différent
Au-delà des questions autour de la surdité, à l’arrivée d’un enfant, tous les parents sont pris dans des émotions variées. Souvent se mêlent inquiétudes, joie, fierté, déception, désarroi... C’est d’autant plus vrai quand on apprend que son enfant est différent. Les parents sourds peuvent aussi désirer avoir un enfant sourd pour qu’il soit comme eux. A ces conflits intimes, se surajoutent les émotions liées à la confrontation avec le monde extérieur, souvent dues à la crainte du regard posé sur son enfant et sur soi.
Communiquer malgré la différence
Vivre avec un enfant différent de soi n’est pas toujours une évidence. En accepter l’expérience ouvre à un nouveau monde. Malgré les appréhensions, au milieu des envies et des questionnements de la rencontre, on constate le plaisir des parents et des enfants à communiquer, à échanger des regards, à jouer, à apprendre une langue commune. Une mère sourde confie : « Quand j’étais enceinte, je savais que mon enfant serait entendant car il a très vite réagi à la musique dans mon ventre. Tout bébé, il a commencé à signer avec tout le monde, sourd ou entendant ».
Dans ces familles, les enfants sont d’emblée bilingues. Ils savent manier à la fois la langue des signes et celle des mots.
Les enfants entendants de parents sourds (EEPS) sont aussi souvent désignés par l’acronyme anglais CODA, child of deaf adult. La plupart ont une double culture. Ils parlent avec les entendants et signent avec leurs parents. Souvent les enfants n’ont pas demandé d’être interprètes, ce n’est pas leur métier. Les enfants restent enfants mais peuvent aussi rencontrer des difficultés.
Il peut parfois être utile de proposer à ces enfants, ainsi qu’à toutes personnes concernées, de voir un psychologue pour parler de leur ressenti s’ils se sentent troublés par les préjugés des autres à leur égard ou un orthophoniste pour travailler la voix.
Les parents entendants d’enfants sourds comme les parents sourds d’enfants entendants, les parents en général, et toute autre personne peuvent choisir d’apprendre la langue des signes, LSF. Elle encourage à établir une communication préverbale privilégiée chez le tout-petit, en engageant davantage le corps et les émotions de façon ludique, mais ce n’est pas toujours facile de trouver un lieu où apprendre.
La rencontre est difficile avec le monde médical
La rencontre avec le monde médical peut se révéler difficile à plusieurs niveaux. Il y a un manque général de prise en compte. Très peu de structures de santé proposent des interprètes en langue des signes, LSF.
Les soignants sont peu formés à la question de la surdité et de la parentalité dans la différence.
Enfin, la vision médicale très techniciste et le poids des lobbies font que, souvent, ne sont proposées que des solutions d’appareillages. Pourtant, on peut avoir les deux, l’implant et la langue des signes. Il faudrait créer les conditions d’un vrai choix pour l’enfant et sa famille. La pose précoce d’implants cochléaires chez un bébé est sujet à controverse car ils ne peuvent donner leur avis. Ensuite, certains souhaitent se faire désimplanter.
Modifier les habitudes, changer de regard
Les sourds ressentent souvent vis-à-vis d’eux, une sorte d’arrogance des entendants. Il y a une violence quotidienne répétée due à la non prise en compte des situations vécues par les personnes sourdes. Les exemples absurdes sont multiples comme les interphones aux entrées d’immeubles, les annonces vocales dans les gares quand elles ne sont pas relayées par des alarmes écrites, etc. La société actuelle renvoie souvent une image dévalorisée des personnes sourdes. Leurs capacités ne sont jamais mises en avant, alors qu’il y a aussi des médecins, ingénieurs, aventuriers, artistes sourds… Ils sont invisibles, on n’en parle jamais sauf rares exceptions comme Emmanuelle Laborit, née sourde, directrice de l’International Visual Theatre et comédienne, auteure en 1994 d’un livre autobiographique, Le Cri de la mouette. La langue des signes est une langue à part entière qui a été longtemps interdite, discriminée ; il y a eu de longues années de batailles pour qu’elle ait droit de cité.
Quelques pistes d’amélioration à mettre en œuvre dans l’univers familial ou dans la société
Faire connaître l’histoire, la culture, les batailles des sourds en particulier auprès des enfants entendants à l’école et ailleurs.
Lutter contre l’isolement des familles « entendantes » en proposant aux parents de rencontrer d’autres familles dans la même situation. Rejoindre ou créer des associations spécifiques ou mixtes.
Organiser des ateliers de sensibilisation à la langue des signes, ouverts à tous les publics (aux frères et sœurs entendants d’enfants sourds, aux proches etc.) et les proposer dans les activités périscolaires.
Exiger que tout service public, toute offre culturelle soit accessible aux sourds via des guides en LSF ou, au minimum le sous-titrage. D’ailleurs, le sous-titrage des films ne profite pas qu’aux sourds. Il constitue un plus pour ceux qui ne parlent pas les langues étrangères et fait progresser l’accessibilité universelle qui bénéficie à tous.
Faire un travail de sensibilisation et d’information auprès des jeunes médecins et des soignants.
Dans les lieux de soins et les services publics, créer ou développer des équipes bilingues français/LSF composées de professionnel.les de santé sourds et entendants dédiés à l’accueil et à l’accompagnement des personne sourdes, à l’instar de l’UNISS, Unité d’information de soins des sourds dans les hôpitaux qui existe à La Pitié-Salpêtrière, AP-HP.
Paroles de parents « Pendant la grossesse, tous les parents se demandent : « fille ou garçon ? ». Les parents sourds y ajoutent une seconde interrogation : « enfant sourd ou enfant entendant ? ». « C’est un vrai combat pour les parents de sensibiliser les copains de l’enfant sourd, sensibiliser l’école, le quartier, le département ; ça demande beaucoup d’énergie mais on peut être fier.e de ce qu’on a fait … » « Mon fils entendant adore regarder « Gulli » à la télé mais moi qui suis sourde, je ne peux pas regarder cette chaîne pour enfants avec lui car elle n’est pas accessible aux sourds. Elle n’est ni sous-titrée ni interprétée en LSF ... ». « Il faut que les sourds soient davantage pris en considération. Il ne faut jamais lâcher auprès des pouvoirs publics. On dirait que les entendants ont plus de droits que les sourds qui sont regardés avec condescendance. » Cordel écrit par le Collectif Outils du soin et la Cité de la santé, après les échanges entre les participant.e.s aux Cafés cordel des 7 Avril et 9 juin 2018 organisés par la Cité de la santé à la Bibliothèque des sciences et de l’industrie. Illustration : association Deux mains pour s’entendre. Cordel N°59 www.outilsdusoin.fr novembre 2018 Cordel : petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accroché à une corde à linge et vendu dans les marchés. Illustration : association Deux mains pour s’entendre. |
Des liens, des sites …
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Vidéos de témoignages interprétées en langue des signes avec sous-titrage
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Pour accéder au PDF, cliquer sur la vignette |
Concrètement, comment faire ?
Imprimer le document joint (format pdf) en recto-verso.
Plier en 4 la feuille obtenue (format A4, à l’origine)
On obtient un petit fascicule que l’on peut feuilleter et dont la page de couverture est constituée par l’image.
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